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Vous êtes sortie de l’Ecole nationale supérieure des Beaux-arts de Paris il y a une dizaine d’année et vous faites partie d’une génération d’artiste qui a remotivé le médium peinture. Pour vous, personnellement, comment s’est caractérisé son approche ou sa pratique ? Que vouliez-vous faire sortir de la peinture ?
​Le choix "d'être artiste" ne c'est pas imposé à moi à un moment précis.L'art a toujours fait parti

de mon quotidien.
Ma mère etant elle-même plasticienne (à tendance multimédia), à 10ans Vialat ou Boltansky "n'avaient plus de secret pour moi " je plaisante mais c'est vrai...
La peinture avec des pinceaux   est un vrai choix conforté par des rencontres.
jM Alberola et Vincent Bioulès qui furent mes professeurs à l'ENSBA ont su nous donné à moi et à mes camarades le gôut de la peinture, d'une peinture qui peut-être à la fois engagée et vraiment "peinte".Mais aussi et surtout grâce à Abel Pradalié (peintre rencontré à l'ENSBA en 1995). Je vous dis cela car il y a encore 10 ans se positionner comme peintre dans le paysage
culturel français était vu part certains comme un retour à de vieilles valeurs, ou encore pire à une posture réactionnaire, radicale.
Bref en tant qu'élève il nous était demandé de faire avaler la pastille de la peinture non pas en justifiant simplement notre travail mais en nous riant de la peinture, en mettant en scène la peinture de manière cocasse ; Etre peintre était difficile et ça l'est finalement de moins en moins. Grâce à l'émergence de plusieurs peintres  de notre génération. Je veux faire  sortir de la peinture une  notion d'infini. La peinture aborde en effet la notion de temps de manière totale c'est à dire de zéro à l'infini...la contemplation se fait durant un instant puis encore un moment puis on y revient encore et encore.Chaque peinture compte des milliers de regards et des miliers de sensations...lorsqu'elle est créée ou regardée.
La photo est instantanée, le cinéma une suite d'images, un récit ... la peinture un récit ouvert à l'infini et figé à jamais.

 

 

 

 

 


 

L’une de vos premières participations à une exposition était liée au point de vue contemporain qui pouvait être porté sur l’œuvre de Géricault (ENSBA, Paris, 1998). Comment l’histoire de la peinture influe-t-elle ou joue-t-elle un rôle dans votre pratique ?

​"Gericault point de vue contemporain" était un exercice amusant, il s'agissait de confronter les préoccupations de Gericault, un jeune peintre du XIXème siècles avec les notres, jeunes plasticiens de la fin du XXème siècle; J'avais peint une série de portraits de réfugiés africains sans papiers...en reference à la Méduse mais aussi aux portraits de fous. Mais cela reste un exercice.
L'histoire de la peinture  influe par la force des choses sur mes peintures mais ce sont aussi, des lectures et des films qui sont des rencontres (plutôt que des mouvements ou des courants) qui donnent des pistes et contribuent à construire mon univers de peintre.
Je ne souhaite en aucun cas me situer dans l'histoire de l'art, j'estime que je n'ai pas à le faire...
C'est aux historiens de le faire, plus tard, lorsque je ne serai plus là pour les contredire.
En définitive ce n'est pas l'histoire de la peinture qui m'influence mais la peinture et l'art lui même. Dans le désordre : Caspard David Friedrich,  ou encore Füssli m'ont beaucoup influencé plus dans le monde des idées  que dans la touche. Magritte, surtout la série de "l'empire des lumières" pour le rapport improbable Jour/Nuit dans le même tableau. Les peintres baroques hollandais et espagnols , surtout Ribera "le songe de Jacob" et Rubens pour certaines de ses toiles : "Saturne dévorant ses enfants". Tout Goya, tout Courbet, tout Manet se sont de bons peintres dans le vrai sens de "bon" car au-delà de tout il y a la saveur, ce sont de bons cuisiniers. ET bien sûr Baselitz, Lupertz, Kieffer pour leur confrontation avec leur  identité. Et sans oublier Marlène Dumas et Kentdrige pour leur engagement..Et pour les plus jeunes j'ai beaucoup d'admiration pour Cecily Brown.
Le cinéma aussi,Lars Von Trier et Brian de Palma" pour leur dimension métaphysique.
La littérature: Ian mc Ewan pour le trouble qui  se dégage de son oeuvre "l'enfant volé" m'a beaucoup influencé.


 

 

Pourriez-vous décrire techniquement la manière dont vous intervenez sur la toile ? Qu’est ce qui définit votre méthode dans le passage des choix iconographiques à la construction du tableau ?

​A partir de photographies tirées de la presse, de photographies personnelles, de fragments de tableaux (sols/lointains) j'élabore une première maquette quidonne matière au commencement.
Une série de croquis, puis le choix du format.
Enfin le dessin sur la toile toujours sur un fond très lumineux et fluide comme sila lumièrevenait de l'interieur. Le moment le plus difficile se situe là. C'est à ce moment précis que la peinture va se faire, la conscience lâche prise.
Une sorte de non-être.
je perds la notion du temps et je peins de manière très instinctive dans une sorte de transe. Je m'arrête puis je repense la toile dans son ensemble; viennent alors les questions de compositions, de tensions entre les différents objets (souches, planches, tentes, jeux d'enfants).Ces objets sont déplacés et remis en jeu à chaque tableau. Je ne peux peindre et penser à la fois.La peinture se situe ainsi; c'est un va et vient permanent entre pensée et oubli.



 

 

 

L’exposition est intitulée « Jacob’s ladder » (L’échelle de Jacob). Pourquoi avoir choisi ce titre emprunté à l’un de vos tableaux ?

"Jacob's ladder" l'échelle de jacob c'est aussi le songe de Jacob.
Genèse 28:"Jacob sortit de Béer-Shéva et partit pour Harrân.il fut surpris par le coucher du soleil en un lieu où il passa la nuit. Il prit une des pierres de l'endroit, en fit son chevet et se coucha en ce lieu. Il eu un songe : voici qu'était dressée sur terre une échelle dont le sommet touchait le ciel ; des anges de dieu y montaient et y descendaient..."
L'image est très belle;Pour moi c'est une métaphore de la création, de l'inspiration.Toutes formes de création nous élèvent, nous tirent vers le haut, nous dépassent;nous libèrent de la gravité.
C'est un aller-retour entre le bas et le haut, une élévation.
L'échelle est bien sûr l'élément important du texte mais pour moi c'est aussi la pierre cela fait échos en moi à un souvenir d'enfance ; Une pierre dans les pyrénées que j'appelais "mon lit". Que l'on retrouve dans mes tableaux. Mais Jacob c'est aussi mon grand oncle, le frère ainé de ma grand-mère Faîga; Il sauva toute sa famille en 1939 alors qu'il était âgé de 20 ans. Il eut la bonne idée de convaincre mon arrière grand-père de continuer leur route jusqu'en Oural ce qui les mettait à l'abri des Nazis.
Le souffle de leur voyage m'a toujours porté et aidé.
Cette histoire a fortement contribué à construire mon univers pictural. C'est par la multiplicité des lectures qu'il faut aborder  mon travail .

 

 


 

 

Dans ce titre il y a plusieurs questions comme dans chaque tableau.
Vous parvenez à créer une atmosphère très particulière à la lecture globale de l’œuvre. Comment souhaitez-vous parler de vos paysages chaotiques dans lequel se seraient déposées des strates de souvenirs ?

Je souhaite créer le trouble.
Que le spectateur se dise:"Mais où sommes-nous?A quelle époque ? Qu'est-il arrivé ?
Chaque tableau est  une chambre où j'organise la lumière de manière irréaliste comme dans "l'empire des lumières" de Magritte, le jour et la nuit cohabitent. La lumière vient de plusieurs points, elle vient parfois des objets eux mêmes.
Mes tableaux parlent aussi bien  de souvenirs d'enfance:le toboggan, la balançoire, la fôret, si émouvante et effrayante à la fois pour une enfant; que de souvenirs que l'on m'a raconté, histoire de famille, histoire de la famille. Souvenirs déformés et fantasmés.
Le rapport au souvenir est souvent faussé;C'est le mélange des souvenirs qui m'interessent, l'endroit où ils se superposent et s'entrechoquent.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

De quelle manière envisagez-vous l’exposition de vos tableaux dans l’espace de la galerie ou d’un  centre d’art ? Est-ce que vous favorisez l’émergence de frottements entres les œuvres ?

Non, chaque peinture existe par elle même, elle peut se passer des autres.l'idéal serait d'exposer chaque peinture dans une pièce vide et blanche.
Comme au cinéma le spectateur regarderait une peinture et il prendrait le temps qu'il faudrait pour rentrer dans la peinture.
l'installation se fait dans la peinture , bien sûr par ailleurs le jeu de l'accrochage m'amuse mais il dépend tellement du lieu qu'il m'est difficile de répondre;l'architecture et la lumière ont tellement d'influence.






 

Entretien mené par Gwilherm Perthuis

 

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